136 LA TERRE RE SERVITUDE. transports d’enthousiasme qui allaient jusqu’à la frénésie. Deux mille voix hurlèrent le fameux cri lou ! lou! luu!, ensuite il y eut un effroyable vacarme de rires et d’applaudissements, et tout le monde se mit à trépigner. Férodia s’avançait avec une lenteur calculée, annoncé à la multitude par le bruit des tambours qui imitaient le fracas du tonnerre. Unmonarque civilisé n’eût pas mieux joué que Féro- dia le rôle de triomphateur. Quelle démarche ! et quel acteur inimitable ! Tout était remarquable en lui : son pas, ses enjam bées de lion, ses jambes surchargées pour le moins de cent anneaux d’un laiton brillant. Rien de plus royal que la négli gence avec laquelle il appuyait ses bras, alourdis par les brace lets d’ivoire, sur les épaules de deux jeunes guerriers, tout fiers d’un tel excès d’honneur. Il avait une manière à lui de secouer sa tête, ornée de tresses ! c’était la majesté du triomphe per sonnifiée ! Voici l’ordre de la cérémonie: en avant de Férodia, deux cents guerriers marchaient à la file ; ils portaient sur la tête, comme ornement principal, d’énormes touffes de plumes d’autruche qui se balançaient et ondoyaient au mouvement de la marche. Chacun de ces guerriers franchissait solennellement, à son tour, l’entrée de la place carrée entourée des cases royales; arrivés sur la place, ils se mirent en ligne sur l’un des côtés. Ensuite venait Férodia, appuyé sur ses deux jeunes guerriers. Ensuite deux cents autres guerriers avec une sorte de bonnet à poil qui leur cachait la moitié de la figure. Ce bonnet à poil était fait de la crinière noire et épaisse du zèbre, enlevée du cou de l’ani mal avec la peau. Ainsi coiffés, ces hommes avaient l’air plus martial que les hussards anglais avec leur kolback en peau d’ourson. C’était alors la troupe des prisonniers adultes qui défilaient, vingt par vingt, chargés du butin fait sur les Arabes. Venaient ensuite les enfants, dont le chef de file était Ab-