124 LA TERRE DE SERVITUDE. lui tout l’amour de son enfant. Avant de m’endormir pour réparer mes forces en vue des fatigues de demain, je vous embrasse comme l’ami de mon cœur. Croyez-moi, j’ai la certi tude que Dieu vous sauvera. » Tous deux s’étendirent sur le sol, Abdallah pour dormir, Sélim pour songer à son entreprise. Tout à coup il se rappela les dernières paroles de Simba et de Motto, et s’étonna de ne s’en être pas souvenu plus tôt, car elles lui auraient donné de la patience et de la persévérance pour supporter ses maux. N’importe, il n’était pas trop tard ; il songea qu’avec des amis comme les siens, il n’était pas seul au monde. Voici quel était son plan : Aller droit au sud, en quittant le campement ; passer un jour dans les bois ; ensuite sortir de la forêt, gagner le voi sinage d’un village des Ouatoutas, et y attendre jusqu’à ce qu’il eût trouvé à se faire indiquer la résidence de Katalamboula. Il lui vint un moment à l’esprit une idée affreuse, celle de tuer Tifoum avec sa propre lance; mais il la rejeta bien vite comme indigne d’un Arabe, surtout du fils d’Amir. Tout le monde dormait profondément ; les feux s’étaient peu à peu éteints, il n’en restait plus que les cendres. Sélim demanda à Dieu de lui donner du courage et de la force ; en un instant les cordes qui fermaient le carcan se relâ chèrent, il en dégagea sa tête, il était libre ! Libre ? pas encore. 11 se leva avec précaution, et sans hésiter, sans faire le moindre bruit, marcha jusqu’à un arbre, choisit une couple de javelines, un fusil, une poudrière et une cartouchière, et se retira avec les mêmes précautions qu’il avait prises en venant. Il lui sembla qu’il s’était écoulé un siècle entre ce moment et celui où il put se dire libre. D’arbre en arbre, il se glissait mystérieusement; chaque arbre dépassé augmentait d’autant ses chances de succès. Enfin, il était libre ! En un instant, le sentiment de la liberté