LA TERRE DE SERVITUDE. 121 garder la mémoire. Sa conscience cependant le rassurait ; son cœur ne s’était pas endurci contre son Dieu ; mais il n’avait pas osé s’approcher de lui par la prière, sans avoir fait ses ablutions. Il prit soudain la ferme résolution de saisir la pre mière occasion qui se présenterait pour se préparer à la prière. Moussoud avait à plusieurs reprises supplié Tifoum de per mettre une halte ; l’autre avait fait la sourde oreille. Il con sentit eniin, plutôt pour avoir le temps d’allumer sa pipe, que par pitié pour le petit malade. Tifoum n’eut pas plus tôt tourné le dos que Sélim se baissa, prit dans ses mains de la poussière de la route, s’en frotta les pieds, les mains, le visage et le corps, comme s’il se fût lavé avec de l’eau. Ensuite, la figure tournée dans la direction de la Mecque, il pria. Quand il eut adressé à Dieu son ardente prière, et qu’il eut fait appel à sa bonté et à sa miséricorde, il se prosterna. Lors qu’il se releva, il ne sentait plus sa fatigue, et son âme s’était fortifiée en lui. Alors il dit à Abdallah : « Mon ami, je me sens rafraîchi et fortifié ; j’ai une bonne idée en tète. —Je vous ai vu prier, répondit Abddallah, et j’aurais voulu, moi aussi, prier comme vous; mais mon cœur est trop plein d’amertume. Je suis plutôt disposé à maudire tout le monde, et moi-même, et à mourir. Le pauvre Moussoud ! ses jours sont comptés ; je le crains bien; s’il meurt, peu m’importe ce qui adviendra de moi. — Mais, mon cher ami, le Ivoran dit : Quand tu es dans l’angoisse, prie ton Dieu, et il t’écoutera. Son oreille est ouverte aux prières des opprimés. — Je le sais ; mais je ne suis pas en état de prier maintenant ; je sens avec effroi que je suis prêt à maudire Dieu, qui laisse