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74 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL sous le bois, nous eûmes bientôt perdu la nôtre. Point de soleil pour nous guider ; les deux enfants ouvraient des avis diamétrale ment opposés sur la direction à prendre et,—trempé jusqu’aux os, tourmenté par une faim de chasseur, ayant à peu près épuisé nos munitions, soit à tirer çà et là des signaux de détresse, soit à essayer en vain d’allumer un feu de branches, — je résolus d’attendre la nuit, dans l’espoir que les étoiles nous montreraient le chemin. Malheureusement, quand la nuit fut venue, la tempête durait encore. Parmi les éclairs et le roulement de la foudre, nous nous figurions quelquefois discerner le bruit des coups de fusil que Grant faisait certainement tirer pour nous rappeler au camp; mais, malgré ces indices équivoques et nonobstant les murmures de mes deux négrillons, je décidai que nous ne bou gerions plus, dans la crainte de nous égarer encore davantage. Il fallut donc se résigner à dormir sur la terre humide et froide, et, sauf quelques animaux qui vinrent çà et là renifler à nos pieds, rien ne troubla notre sommeil. Au matin, quand les nuages se dissipèrent, nous retrouvâmes, par une espèce de miracle, la trace perdue la veille, et nous revînmes droit au camp, où je reçus les félicitations chaleureuses du petit sheik, qui avait à me citer, et par centaines, l’exemple de voyageurs perdus dans ces soli tudes. En attendant, rien n’avait été fait pour hâter le moment du départ. Tantôt sous un prétexte, tantôt sous un autre, le chef remettait à des temps meilleurs le règlement du hongo. Ce jour- à, par exemple, il n’y fallait pas songer, attendu l’arrivée d’un détachement de Vouanyamouézi fugitifs qui avaient jeté l’alarme dans tout le pays. C’étaient disait-on, les soldats de Manoua-Séra (l’Ivrogne), chef indigène qui était alors en guerre avec les trafiquants arabes. Il avait été battu par ceux-ci, et c’était par voie de représailles qu’il venait d’expédier ce détachement pour fermer la route aux caravanes, A force d’insistance, je finis par faire accepter au chef un droit de passage à peu près raisonnable ; mais au moment de partir, je m’aperçus que dix de mes porteurs manquaient à l’appel, et comme il ne m’était pas permis de sacrifier à la légère la charge de dix hommes, il me fallut encore faire halte, bien malgré moi, pendant les journées des 10, 11 et 12 décembre. Le sultan et son vizir employèrent tout ce temps à me créer de nouvelles diffi cultés pour m’extorquer de nouveaux présents. Us y réussirent