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548 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. vingt missionnaires qui, depuis treize ans, sont venus porter la parole de Dieu aux bords du Nil, treize sont morts de la fièvre, deux de la dyssenterie, deux autres ont dû fuir avec une santé à jamais détruite, et, en regard de tant de sacrifices, il serait impossible de placer une seule conversion qui mérite d’être signalée. Les missionnaires, cependant, reconnaissent aux habi tants du Bari un certain degré d’élévation morale, d’intelligence et de courage ; mais les nécessités de la vie matérielle, l’absence de toute autorité protectrice, l’insécurité du travail qui engendre nécessairement la paresse, constituent des obstacles à peu près insurmontables. Les enfants indigènes viennent volontiers écouter la parole des prêtres; plus volontiers encore ils regardent les images et les signes extérieurs du culte, mais au bout de peu de temps, n’ayant aucun profit immédiat à tirer de leur do cilité, ils s’éloignent « pour aller, disent-ils, chercher de quoi vivre. » Le fait est que la disette règne en général dans le pays, non par la faute du sol, naturellement fertile, mais par celle des habitants qui le cultivent à peine, dévorent les moissons à moitié vertes, et vivent ensuite ou de poisson pêché dans le fleuve, ou de tortues ramassées à l’intérieur des terres. Les dignes prêtres dont je parle n’ont jamais eu à se plaindre des indigènes. Ceux-ci étaient même favorablement disposés pour les Européens, jusqu’au moment où les trafiquants du Nil- Blanc sont venus, par des atrocités sans pareilles, semer ici des ferments de haine et de vengeance. C’est à partir de ce temps que les missionnaires, envisagés comme précurseurs de toutes ces abominations, ont vu leurs pieux efforts frappés d’une stéri lité irrémédiable. L’oisiveté forcée à laquelle ils se trouvaient ainsi condamnés, a plus fait que tout le reste pour décimer leur petite cohorte, en les poussant à des excès de régime que l’ar deur du climat rend essentiellement insalubres. Le18, — c’est-à-dire trois jours après notre arrivée, — Kours- chid Agha, réveillé par un feu roulant de mousqueterie, alla sur ses bateaux porter secours à quelques-uns de ses gens qui, revenant avec de l’ivoire d’une expédition dans le N’yambara, étaient aux prises, sur les bords du Nil, à deux ou trois milles au-dessous de Gondokoro, avec des bandits indigènes. Le lende main, il était de retour après avoir tué plusieurs hommes à l’ennemi et lui avoir pris une certaine quantité de bétail. Nous