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510 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. et attendent le passage du gibier que les autres poussent de leur côté. On ne chasse pas 1’hippopotame, on lui tend cette espèce de piège appelé luncla : une fosse habilement masquée, au centre de laquelle est fiché un fer aigu, et qu’on creuse sur le passage ha bituel de ces animaux routiniers. Les Chutes Karouma, —si tant est qu’elles méritent ce nom, — consistent en une espèce d’écluse naturelle qui précipite les eaux entre deux roches de siénite, sur une assez longue pente d’environ dix mètres. Il y en a quelques autres de moindre importance, et une enfin, dont le bruit lointain arrive jusqu’à nos oreilles, nous est signalée comme très-considérable. Le nom de Karouma leur vient d’un esprit qui, d’après les superstitions locales, aurait disposé dans le courant les roches dont il vient d’être question. On nous montre aussi, non loin de là, un arbre sous l’écorce duquel réside un autre esprit dont les attributs sont à peu près identiques à ceux du Ligna de Mahadeo, tel qu’il est adoré dans l’Inde. C’est dire suffisamment qu’il passe pour hermaphrodite, et qu’il combine les aptitudes sensuelles des deux sexes auxquels il appartient simultanément. 20 novembre. — Journée de halte, pour laisser à nos gens le temps de réunir les provisions nécessaires à la traversée des déserts du Kidi. Kidgwiga nous raconte que dans le voisinage des Grandes Chutes, à l’issue d’une campagne contre Rionga, le roi fit décapiter et jeter dans le fleuve une centaine de prison niers. 21 et 22 novembre. — Le gouverneur, qui tenait absolument à nous voir, et qui du reste s’est montré naguère très-généreux à l’égard de Bombay, est venu, accompagné d’un joueur de harpe , nous offrir une vache, deux charges de farine , et trois pots de pombé. Sa pensée est « que les hommes blancs viennent visiter un pays jadis conquis sur eux et où ils espèrent se ména ger un retour triomphal. » Il se fonde sur une tradition qui repré sente les Vouahouma d’une certaine époque fort reculée, comme moitié blancs et moitié noirs. La moitié de leur chevelure était lisse, et la moitié crépue, ce qui doit s’expliquer par l’existence d’une race blanche, soumise, et d’une race noire, définitive ment victorieuse. Je calme ses appréhensions en lui expliquant que ses ancêtres étaient blancs, qu’ils avaient les cheveux plats, et habitaient un pays par delà l’eau salée, jusqu’au jour où, tra-