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26 PRÉFACE. la bière d’abord, puis au chant, puis à la danse qu’il demande des consolations. Ainsi peut être tracé, avec toutes sortes d’adoucissements, le portrait-type du « compagnon 1 » nègre, celui qui plus que tout autre ouvrira le libre accès de l’Afrique centrale aux entreprises civilisatrices. Doué d’une loquacité merveilleuse, facile aux im pressions gaies, mais sans équilibre et sans logique, — créature impulsive, adulte resté enfant, — on ne comprend pas, au pre mier abord, par quels procédés on a pu le plier au travail ; car il n’a pour l’y astreindre ni lois, ni demeure fixe, ni famille ; il peut à tout moment s’échapper et, comptant sur cette alterna tive, il commet mille et mille fautes dont le pardon lui semble assuré d’avance. Beaucoup d’indulgence, tempérée çà et là par quelque sévérité paternelle, me paraît être le régime qui lui convient le mieux ; voici, en effet, par quel puéril langage il vient, après avoir failli, conjurer la colère de son maître : « Vous êtes tenu d’oublier et de pardonner; en votre qualité d’homme supé rieur, si quelque irritation momentanée vous est permise, il est au-dessous de vous de nourrir de longues rancunes. Fouettez- moi, si vous voulez, mais entre nous pas de compte : sans cela, je me sauverai très-certainement, et alors que ferez-vous? » La langue de ces races est aussi étrange qu’elles le sont elles- mêmes. Elle est basée sur l’euphonie, ce qui la complique beau coup, — et d’autant plus que, pour apprécier le système, saisir le secret des concordances euphoniques, il faut avoir, en quelque t sorte, une tournure d’esprit nègre. On vérifiera ceci, on com prendra ce que je veux dire en parcourant la grammaire kisoua- hili du docteur Krapf. Je me bornerai donc à signaler au lecteur une particularité qui rendra pour lui moins confuse la nomen- 1. Nous traduisons par « compagnon » le mot de rowdy, sans méconnattre ce que ce dernier a de plus malveillant. Le rowdy est, à proprement parler, le-pro létaire nomade qui, sous prétexte de chercher du travail, mais refusant toute besogne à poste fixe, devient à la longue un bohémien des plus dangereux. JV. du T.