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LE PALAIS DE L’OUGANDA. 367 roi me demanda d’un ton railleur « si j’avais faim? » La question était oiseuse et même déplacée, car il savait fort bien que nous n’avions rien pris depuis vingt-quatre heures. Aussi nous mena- t-il peu après dans une plantation de bananiers, où la pre mière hutte qui s’offrit fut tant bien que mal adaptée au repas que le roi nous destinait. Mais comme je m’aperçus qu’il pré tendait me reléguer au dehors et me faire déjeuner en compa gnie de ses subalternes, je lui faussai compagnie et revins pré cipitamment au logis, où Kahala me reçut avec toute sorte d’amitiés, mais où je trouvai Méri dans son lit, et fort malade, s’il l’en fallait croire. Manamaka, la gouvernante, souriant et bavardant comme toujours, prétendait que Méri, depuis mon dé part, sans cesse en proie à de violentes nausées, n’avait pu ni manger ni fermer l’œil. D’abord impressionné par ces tristes récits, je cherchais déjà par quels remèdes il fallait combattre une indisposition si grave ; mais ni le pouls, ni la langue ne trahissaient chez la prétendue malade le moindre dérangement de santé. Pour surcroît d’ennuis, la femme d’Ilmas, durant mon absence, avait essayé de se pendre, parce qu’elle ne voulait pas servir et continuait à se regarder comme « l’épouse prédes tinée du Bana. » D’un autre côté, la femme de Bombay, après s’être administré une forte dose de quinine, venait de mettre au monde un enfant mort. 1 er mai.— Le roi, qui s’est enrhumé, me fait appeler comme médecin. Plusieurs de ses femmes ont des clous dont il faut que je les débarrasse immédiatement. Après la consultation, je rentre pour trouver autour de ma hutte une vingtaine d’hommes qui prétendent avoir dépassé Grant sur la route du Karagoué à l’Ouganda. Il était, selon eux, porté sur un brancard, et ne sem blait pas avoir avec lui ces marchandises sur l’arrivée desquelles je comptais. Méri persiste à se dire indisposée, et refuse les forti fiants que je veux lui faire prendre; mais elle me glisse à l’o reille que « si je lui donnais une chèvre pour sacrifier à l’Ouganga, elle se rétablirait en un rien de temps. » Cette insinuation mysté rieuse ne me plaît guère et m’est tant soit peu suspecte ; je me contente de lui répondre que, « de tous les médecins appelés à la guérir, je suis incontestablement le plus habile, et que Dieu nous en voudrait, à elle et à moi, de notre superstitieuse crédulité, si j’autorisais le sacrifice dont elle parle. »