Volltext Seite (XML)
362 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. dant la vie de cette femme. Il va sans dire que je courais grand risque de sacrifier la mienne en m’opposant ainsi aux caprices d’un tyran; mais dans ces caprices mêmes nous trouvâmes tous deux notre salut. Mon intervention, par sa nouveauté hardie, lui arracha un sourire, et la prisonnière fut immédiatement relâchée. La hutte habitée par le représentant du Mgussa était décorée de maint et maint symbole mystique, et entre autres d’une rame, qui est l’insigne de ses hautes fonctions. Nous y étions installés depuis quelques minutes, arrosant de pombé nos insi gnifiants bavardages, quand cette espèce de « médium spirituel » vint nous y rejoindre dans un costume bizarre, analogue à celui des sorcières vouichwézi. Il portait un petit tablier de peau de chèvre blanche décoré de nombreux talismans, et en guise de masse ou de canne, se servait d’un léger aviron. Ce n’était point un vieillard, mais il en affectait toutes les allures, la démarche lente et délibérée, la toux asthmatique, le regard vague, le parler marmottant. Feignant de gagner à grand’peine l’extrémité de la hutte, où se trouvait ce que je pourrais appeler son « tro phée magique, » il se mit, une fois assis, à tousser pendant une demi-heure de suite; sa femme parut alors, se donnant les mômes airs et, comme lui, jouant une vieillesse anticipée. Mtésa me regardait en riant, et de temps à autre, jetant les yeux sur ces créatures étranges, semblait me demander ce que je pensais d’elles. Personne, du reste, n’élevait la voix, si ce n’est la prétendue vieille, coassant comme une grenouille pour avoir de l’eau, et qui fit ensuite beaucoup de façons lorsqu’il fallut avaler celle qu’on lui apportait. La première coupe n’é tant pas assez pure à son gré, on dut lui en procurer une seconde, où elle se contenta de mouiller ses lèvres ; après quoi, geignant et boitant toujours, elle s’éloigna comme elle était venue. L’agent du Mgussa fit alors signe au kamraviona et à plusieurs des officiers, qui se groupèrent immédiatement autour de lui, et, après leur avoir notifié à voix très basse les volontés de l’Es prit du lac, il disparut à son tour. Ses révélations n’avaient sans doute rien de favorable, car nous retournâmes aussitôt à nos barques, pour rentrer ensuite dans notre résidence provisoire. A peine y étions-nous, qu’un fort détachement de Youakoungou tout récemment revenus de l’Ounyoro se présenta pour rendre