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336 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. femmes de la reine, m’attendait au dehors et n’osait entrer pour ne pas effaroucher la jalousie de Congow. Celui-ci, qui me croyait son hôte pour le reste du jour, manifesta quelque sur prise quand je lui demandai la permission d’aller déjeuner. Il fallait bien prendre cè prétexte, car c’est une inconvenance grave dans l’Ouganda de visiter le même jour deux personnes, le roi ou la reine fussent-ils l’une des deux. Mkouenda, venu de la part de sa maîtresse me prier de lui porter quelque remède pour son estomac qui la faisait beaucoup souffrir, m’accompagna jusqu’à mon logis, dont la splendeur relative le jeta dans une sorte d’ébahissement. « Il ne comprenait pas, me dit-il, qu’un Mganda pût se permettre d’y pénétrer. » De fait, il était si inti midé que je le renvoyai après m’être mis à table, sans avoir pu tirer de lui quatre paroles. J’avais à peine achevé mon repas que je reçus ordre d’aller, avec tous mes Vouangouana et tous mes fusils, rejoindre le roi qui était à la chasse. Je le trouvai avec un nombreux état-major, femmes, officiers et pages, dans un jardin de bananiers, où il guettait assidûment le passage des oiseaux, tandis que ses musi ciens s’épuisaient à le distraire. Il avait ajouté un turban à son costume anglais, et se plaignait que l’éclat du soleil lui fit mal aux yeux, — manière indirecte de me demander un chapeau de feutre à larges bords, pareil à celui dont j’étais coiffé. Soudain, comme si cette idée venait de poindre dans son cer veau, mais obéissant en réalité aux perfides insinuations de Maoula : « Où donc, s’écria-t-il, a-t-on logé mon ami le Bana?... Je veux qu’on m’y conduise sur l’heure. » A peine ces mots prononcés, Vouakoungou, femmes et le reste se précipitèrent d’un même élan, à travers tous les obstacles, dans la direction de ma hutte. Parmi les gens qui couraient ainsi pêle- mêle, si quelqu’un n’avançait pas assez vite, entravé par les moissons dont les champs étaient couverts, — que ce fût le kamraviona ou un simple page, peu importe, — il recevait dans les reins un bon coup de poing, capable au besoin de le renver ser par terre ; mais loin de s’en inquiéter, et regardant comme une faveur cette bourrade royale, ils accompagnaient de quel ques n'yanzigs leur trot devenu plus rapide. En les traitant comme autant de chiens, on eut dit que Mtésa les élevait dans leur propre estime.