20 PRÉFACE. Vouangouana ou affranchis. — Les Voua-n-gouana, ainsi que leur nom l’indique, sont des hommes libérés de la servitude; je dois en grande partie à la coopération de cette caste particulière, qui m’a fourni presque tous mes serviteurs à gages, d’avoir pu frayer mon chemin dans une vaste section du continent africain. En conséquence, quelques remarques générales sur ce qui la caractérise ne seront peut-être pas déplacées ici. Ces indigènes, mêlés dans leur enfance aux nègres de race pure, conservent naturellement toutes les notions supersti tieuses de ces derniers, mais modifiées et même parfois cor rompues par leur contact avec le monde extérieur, — contact qui d’ailleurs développe leur intelligence. La plupart, victimes de ces guerres qui dans leur pays se reproduisent presque chaque jour, ont été réduits en captivité, puis vendus aux trafiquants arabes pour quelques mètres de drap commun, quelques paquets de fil d’archal, quelques cha pelets de perles. Amenés ensuite sur le marché de Zanzibar et revendus comme un vil bétail au plus haut enchérisseur, ils furent traités par ce dernier à peu près comme ses enfants. Le rite de la circoncision, pratiqué sur eux, en fit des musulmans, afin que le bétail de leur maître ne subît pas au moment de l’im molation le contact impur de mains infidèles, et aussi pour que la vraie foi destinée à régénérer le monde, à devenir universelle, comptât quelques disciples de plus. Dans cette nouvelle position l’esclave se trouve entouré de plus de bien-être qu’il n’en a jamais connu; ce bien-être, il l’achète au prix d’une certaine dégradation qui le place aux derniers rangs de la société; il l’achète encore par la rupture de tous ses liens de famille, car il est probable que ses parents ont succombé pendant la guerre qui l’a fait captif. Cependant, après les premières angoisses, nous le voyons s’attacher étroitement au maître qui le nourrit et l’habille en échange de quelques bons offices domestiques. Peu d’années après, lorsqu’il a gagné