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326 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. A ces mots, il leva orgueilleusement la tête, et posant la main sur son cœur : — « Voilà qui me regarde, répondit-il; aussi sûr que j’existe, ce que vous demandez s’accomplira. Le pays dont nous parlons n’a pas de roi, et depuis longtemps déjà je médite sa conquête. » Je n’en refusai pas moins de lui donner ma boussole sur la foi de cette simple promesse, — et il se retira pour déjeuner. Je suis allé voir Usungou, mon nouveau client, que j’ai trouvé en butte à une complication de maux devant laquelle échoueront nécessairement mes faibles ressources. Je signalerai, entre autres, les symptômes invétérés d’une espèce d’infirmité que nous som mes habitués à considérer comme l’apanage exclusif de la cor ruption civilisée. Ne pouvant rien pour le guérir, je l’ai bercé des plus consolantes promesses. Il boira, par ordonnance et tous les matins, une infusion de café mêlée avec du lait, ce qui l’étonne singulièrement, les nègres n’usant jamais du café qu’à l’état de chique. 24 mars. — Visite au palais, sur invitation formelle. J’y trouve le monarque entouré de ses femmes et vêtu à l’européenne, avec des pantalons que la veille il m’avait empruntés tout exprès. Dieu sait comme lui va ce costume, qui lui inspire un orgueil extraordinaire. Le pantalon est trop court, les manches de la yeste sont également trop courtes ; les pieds et les mains de ce géant nègre se projettent au dehors de ses vêtements comme font les extrémités de ces quadrumanes qu’on voit gambader sur la vielle de nos musiciens nomades ; d’un aütre côté, l’espèce de crête de coq qui se hérisse sur sa tête, gêne singulièrement l’in stallation du fez appelé, dans cette occasion, à lui servir de cou ronne. Après cette exhibition, les femmes furent congédiées, et on nous conduisit dans une cour où on avait disposé par rangées une certaine quantité de bananes que nos hommes eurent ordre d’emporter, avec promesse d’en recevoir autant chaque jour. De là nous passâmes dans un autre enclos, où les femmes revinrent nous trouver; mais nous nous taisions tous, attendu que nos interprètes n’auraient osé sous aucun prétexte, même de ma - part, adresser la parole aux femmes du roi. Fatigué de ce silence, je tirai mon album de ma poche et me mis à dessiner Loûbouga, l’épouse favorite, — ce qui réjouit infiniment le monarque, dès qu’il l’eut reconnue à la crête de coq dont elle se pare, elle aussi.