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320 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. lécher par un chat, >> ils. prennent un air de dégoût et semblent trouver l’expédient fort au-dessous d’eux. 20 mars. — Ma solitude me pèse horriblement. Je n’ai d’autre passe-temps que la rédaction de mon journal, d’autres visiteurs que ces ennuyeux pages, chaque jour porteurs de quelque nou velle requête. Nulle distraction à prévoir, puisqu’on m’a refusé net de me laisser mettre en route pour l’Ousoga, tant que Grant ne serait pas arrivé. Faute de mieux, je m’amuse à vêtir en page et à traiter comme mon fils un petit garçon fort intelligent, dont le père, un de nos Béloutchis, est décédé chemin faisant, et qui, depuis lors, avait été adopté par Oulédi. Lugoï,— le petit bonhomme en question, — me préfère à ce dernier, cela va sans dire; « il n’aime pas l’Ouganda, parce qu’on y tue les gens comme des poulets, et voudrait vivre à la côte d’où viennent les Vouan- gouana qui, de tous les hommes à lui connus, sont certainement les mieux mis. » Ainsi raisonne Lugoï à qui j’ai fait un costume avec une belle taie d’oreiller toute neuve, décorée de cordonnet noir, une ceinture de bindéra rouge, dans laquelle un poignard est passé, plus un fragment de couverture, également rouge, qui tantôt lui sert d’épaulette, quand il porte mon fusil, tantôt, quand il veut s’asseoir, lui tient lieu du tapis en peau de chèvre. C’est dans cet attirail que je l’ai conduit aujourd’hui chez le kamraviona, auquel j’apportais aussi, sur sa demande, mon album de dessins. On n’a regardé que Lugoï, on n’a parlé que de Lugoï. Chaque visiteur lui faisait ôter et remettre pièce à pièce le travestissement dont je l’avais affublé. Sur ces entre faites est arrivée la sœur du roi, Myengo, qui s’est assise à mes côtés, riant et plaisantant avec un laisser aller excessif. J’avais demandé la permission de dessiner le chien du com mandant en chef, joli petit animal, blanc comme du lait. Mais on craignait sans doute quelque sorcellerie et, au lieu du mo dèle requis, j’ai vu arriver un roquet noir de l’espèce la plus vulgaire. L’attachant alors aux pieds de Myengo, j’ai rapidement esquissé la femme et le chien dans le même groupe. Quand ils eurent constaté que je m’étais permis, contrairement à toutes les règles, de dessiner, sans le consentement de Mtésa, un membre de la famille royale, les assistants partirent à la fois du plus bel éclat de rire; mais tous affectaient de craindre que . je ne les « misse en prison « dans mon livre.