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302 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. 10 mars. — Pour faire une surprise à la reine mère, et pour essayer d'un nouveau stratagème, je me rends chez elle avec ma vaisselle de table, mes effets de literie, bref en manifestant l’in tention d’y passer toute la journéè et toute la nuit. En lui admi nistrant sa quinine, je stipule expressément que je resterai pour réitérer au besoin ce remède, et je lui explique pourquoi je ne suis pas venu plus tôt. Les ordres sont donnés pour qu’on me prépare une hutte d'ici à ce soir ; une des cours voisines est mise à ma disposition afin que j’y puisse déjeuner en paix. Vers midi, le bruit des tambours et des calebasses annonce l’ar- rivée du jeune monarque; mais il était cinq heures lorsque j'ai pu rentrer, après invitation formelle, dans la hutte de réception. J’entends de là, dans la cour adjacente, les rires de la mère et du fils, qui paraissent beaucoup s’amuser et ne tiennent pas à ce qu’on l’ignore. La porte s’ouvre ensuite, et le roi, véritable enfant, s’étale à nos yeux dans un costume qu’il revêt pour la première fois en public. En guise de bonnet, il a une allia 1 de Mâscate ; un turban de soie, fixé par une bague, entoure son cou; un kisbow 8 indien lui sert d’habit, et un doti de laine remplace tant bien que mal les pantalons absents. On voit qu’il essaye de me copier, à cette baguette de fusil qu’il tient en main et qu’il fait glisser parmi ses doigts écartés. Au moment où je m’avance chapeau bas, il entre en souriant dans la salle du trône, suivi d’une toute jeune fille vêtue de bandira rouge, qui porte le fau teuil dont je lui ai fait présent et deux lances nouvellement fabriquées. Bien évidemment, Mtésa s’efforce de mettre en pratique le conseil que je lui donnai lors de notre dernière entrevue en lui parlant des innovations que chaque monarque doit introduire, s il est ami du progrès, dans les usages du peuple qu’il gou verne. Je l’en féliciterais volontiers, n’était que je ne saurais lui parler moi-même, et que personne n’ose me servir d’interprète, Survient la reine, de très-bonne humeur, qui s’installe à côté de son fils sur un mbougou, bien que je lui offrisse comme siège ma pharmacie portative; mais personne dans l’Ouganda, pas même la mère du prince, n’ose ainsi « trôner » devant lui. Les Voua- koungou présents, au nombre d’une vingtaine, ne trouvent pas 1. Valfia est un fez broché de soie sur un fond de coton. 2. Gilet sans manche 0 , symbole d’autorité.