298 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. me dire, — mensonge palpable, — que Sa Majesté dormait encore. Je me retirai aussitôt, donnant cours à mon impatience et laissant derrière moi Maoula et Oulédi chargés des explications nécessaires. Le roi fit semblant de ne pas les croire quand ils lui annoncèrent mon départ. « Si le seigneur blanc était venu me voir, disait-il, jamais il ne se serait retiré. » Pendant que je ruminais cette nouvelle complication, un essaim de pages tombe chez moi tout à fait à l’improviste. Ils réclament de la part du roi, qui va partir avec ses femmes pour un pèlerinage au N’yanza, un plein sac de mtendé 1 2 * * . Heureux d’acheter à si bon compte le droit de faire parvenir mes plaintes jusqu’à l’oreille du roi, je lui dépêche Maoula qui doit lui mani fester mon étonnement de me voir traité avec si peu d’égards. — Pourquoi ne m’emmènerait-il pas au N’yanza 8 ? — Cette question paraît beaucoup surprendre les pages à qui je l’adresse. * Com ment cela serait-il possible ? demandent-ils à leur tour; le roi est avec ses femmes sur qui personne ne peut jeter les yeux. — S’il en est ainsi, leur dis-je encore, je partirai pour l’Ousoga, l’Amara ou le pays des Masai. Ici je suis trop isolé, n’ayant pour compagnons que des corbeaux ou des vautours.... » Ils me pro mettent de rendre mon message, mais pas un ne s’y hasardera, j’en suis certain. Maoula est revenu. Le roi s’étonne, me sachant si généreux, que je lui ai envoyé si peu de rassade ; il me fait dire que désor mais, en arrivant dans la hutte d’attente, je devrai l’avertir de ma présence par un coup de fusil. « Ce matin, effectivement, il était levé ; mais ses pages, n’osant pénétrer chez lui, ont fabri qué le mensonge qui l’avait privé du plaisir de me voir. » Cette cordialité inattendue me jette dans de nouveaux doutes. Serait- il possible que jusqu’ici je me fusse débattu contre des fantômes? C’est ce que nous verrons bien, maintenant que j’ai en quelque sorte la clef du palais. Nasib, d’un autre côté, bien qu’il ait attendu toute la journée le loisir de la reine mère , n’a pas été admis auprès d’elle. La 1. Nous avons expliqué, dans une des notes précédentes, ce qu’est cette espèce de verroterie. 2. Je supposais qu’il était question du Grand-Lac; mais j’ai vérifié depuis qu'on désignait ainsi un de ces étangs où le roi et ses femmes vont s’ébattre ensemble.