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288 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. dans mon pays et avec les mêmes matières, seulement de qua lité plus infime. Tout ce que vous pourrez voir dans ce genre provient nécessairement de l’Ouzoungou (pays des blancs). — En ce cas, reprit en chœur l’assistance, nous vous aimons, et vos étoffes aussi, mais vous principalement.... » Sur ce, j’in clinai modestement la tête, manifestant de mon mieux combien m’était précieuse l’amitié de ces grands personnages. Mon éloquence parut les mettre en gaieté. La reine et ses con seillers devinrent plus bruyants que jamais. Sa Majesté entonna une chanson que ses ministres répétaient en chœur. Puis, à force de boire et de chanter, de chanter et de boire, ils transformè rent le palais en un véritable pandœmonium. Tout ce tapage cependant ne leur suffisait pas : l’orchestre fut appelé de nou veau, et le « fou » de la reine dut chanter, lui aussi, avec cette voix artificielle, rauque et discordante, qui est un des accessoires de son rôle. Tout à coup, comme possédés du même démon, le premier ministre et le reste des assistants se levèrent à la fois, et saisis sant leurs baguettes (en visite les lances ne sont pas de mise), ils accusèrent la reine, avec une colère feinte, » d’avoir livré son cœur au bel étranger » : puis ils s’élancèrent dans la cour, et la baguette haute, la voix menaçante, revinrent à deux reprises sur leur maîtresse comme pour punir de mort l’affection cri minelle dont j’étais l’objet,—mais en réalité pour manifester leur dévouement et leur jalouse tendresse. Sa Majesté'affectait de prendre tout ceci avec l’indifférence la plus impassible ; mais son visage témoignait assez du plaisir qu’on lui faisait. Quant à moi, fatigué de la posture contrainte que m’imposait un siège trop bas, je sollicitai la permission de me retirer. Jamais la N’yamasoré n’y voulut entendre. « Elle m’aimait beaucoup trop pour souffrir que je partisse de si bonne heure » et demanda un supplément de pombé. La même orgie que j’ai déjà décrite se reproduisit sous mes yeux; les coupes se trouvèrent trop petites, et l’auge fut apportée de nouveau. Inauguré par la reine, qui but la première, — et dont l’attitude bestiale me suggérait une com paraison peu flatteuse en me rappelant certains échantillons de la «race porcine. » —ce singulier vase fut ensuite présenté par elle à chacun des convives. Pour ramener un peu de gravité parmi toute cette cohue, et