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278 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. se laire admirer de nous et, lorsqu’elle eut assez joui de l’effet qu’elle était certaine d’avoir produit, fit pour la seconde fois évacuer la salle du trône, où il ne resta que trois ou quatre Youakoungouplus particulièrement admis dans son intimité. Elle prit alors un petit faisceau de bâtonnets fort proprement arran gés et, mettant à part trois d’entre eux, elle me déclara que j’aurais à la guérir de trois différentes maladies : « Ce premier bâton, disait-elle, représente mon estomac, dont je souffre beau coup; le second, que voici, est mon foie qui m’envoie de tous côtés dans le corps des douleurs lancinantes; et ce troisième est mon cœur, auquel je dois chaque nuit des rêves fâcheux, à propos de Sounna, mon défunt mari. » Je répondis d’abord que les rêves ou plutôt les insomnies dont elle se plaignait, lui étaient communes avec la plupart des veuves, et ne se dissiperaient que dans le cas où Sa Majesté se résignerait à contracter un second hymen. Quant à ses souffrances pure ment physiques, il me fallait, avant que je pusse risquer la moindre prescription, regarder sa langue, tâter son pouls et peut-être même, au besoin, poser mes mains sur ses augustes flancs. Les Youakoungou se récrièrent à ces derniers mots : « Ceci, disaient-ils, ne peut se faire qu’avec l’autorisation du roi. » Mais la N’yamasoré, se soulevant sur son trône, rejeta bien loin l’idée de consulter un pareil jouvenceau, et se soumit d'avance à l’examen nécessaire. J’exhibai alors deux pilules dont je laissai goûter la poudre aux Youakoungou pour les rassurer contre les sortilèges du Docteur, et je prescrivis à la malade de les avaler le soir, en lui recommandant de se priver de nourriture et de pombé jusqu’à nouvelle consultation. Je constatais avec grand plaisir les pro grès de mon influence sur elle, — influence qui devait s’étendre indirectement jusqu’au jeune roi,—et je l’entendis avec satisfac tion me dire que « tout en moi lui avait plu, sauf l’interdiction de sa liqueur favorite. » La présentation des cadeaux eut ensuite lieu avec les forma lités accoutumées : « Jamais, disait-elle naïvement, on ne lui avait donné de trésors pareils » et ses officiers, d’une voix enthou siaste, la proclamaient « la plus heureuse des reines. » En retour, obéissant à un instinct de reconnaissance qui lui faisait honneur, elle me pria d’accepter un de ces longs tubes artistement tra •