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276 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL tre qui que ce fût dans mes intérêts par des générosités bien en tendues, nulle visite ne m’arrivait si ce n’est celles des pages à co cardes, et celles-ci par ordre exprès du souverain ; personne enfin n’était autorisé à me vendre des provisions; de telle sorte que mes gens en étaient réduits, pour se nourrir, tantôt à mettre au pil lage tels ou tels jardins que leur désignaient les officiers du roi, tantôt à s’emparer du pombé ou des bananes apportés par les Youaganda qu’ils rencontraient sur la route du palais. Ce sys tème particulier de « non-intervention, » — un dès traits de la politique royale, — avait pour but de réserver au souverain le monopole de l’exploitation à pratiquer sur ses hôtes. Pour donner à ma première visite chez la reine mère toute la solennité requise, je pris avec moi, outre ma pharmacie porta tive, une offrande composée de huit bracelets de bronze et cui vre, trente « œufs de pigeon » de couleur bleue (soungoniaji), un paquet de menues verroteries, et seize coudées ou ziraa 1 d’indienne. J’emmenai aussi ma petite garde d’honneur, sans oublier mon trône de foin royal. Le palais où je me rendais est à un mille et demi par delà celui du monarque ; mais la grande route m’était interdite, vu qu’il est regardé comme incivil de passer devant la porte de ce dernier sans entrer chez lui. Aussi, faisant le tour des jardins extérieurs et des faubourgs de Ban- dowaroga, je débouchai sur le chemin public, presque en face la résidence de Sa Majesté douairière, où se trouvaient repro duites, sur une moindre échelle, les dispositions intérieures du Louvre de Mtésa. Un grand espace séparaitla demeure de la reine de celle de son kamraviona ou commandant en chef; les enclos extérieurs et les diverses cours avaient de même, pour palis sades, un clayonnage d’herbe à tigre; les huttes n’étaient ni aussi nombreuses, ni aussi grandes que chez le roi, mais on les avait construites sur le même modèle. Des gardes veillaient aux portes, garnies de grosses cloches d'alarme, et les officiers de service occupaient avec les musiciens les salles de réception. Toutes les autres huttes étaient remplies de femmes. On me fit asseoir, dès mon entrée, sous un hangar servant d’antichambre, mais je n’y 1. La ziraa se compose de deux fitr et demi ou petites palmes. La petite palme se compte du bout de l’index étendu au bout du pouce. La shibr, ou grande palme, se compte du pouce au petit doigt. Deux de ces dernières palmes représentent la mesure primitive connue sous le nom de coudée.