274 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. Sa Majesté daigna sourire. Je le questionnai sur ses souffrances, prenant texte des propos qu’on m’avait tenus au sujet de sa santé. Mais, pour toute réponse, il secoua la tête comme s’il trou vait déplacé que je me permisse de l’interroger ainsi; puis il en joignit à quelques-uns des assistants de tirer sur des vaches qui paissaient à peu de distance. Au lieu de m’extasier devant ce passe-temps puéril qui compte dans l'Ouganda pour une chasse royale, je le regardais avec un dédain marqué dont le prince finit par s’émouvoir. Il s’informa de ce que contenait la boîte avec laquelle j’étais venu. Lorsqu’il sut que c’était la médecine par lui réclamée, il me fit approcher et renvoya tous ses courtisans. Resté seul avec moi, les deux in terprètes et un seul fonctionnaire qui paraissait jouir de toute sa confiance, il voulut savoir si je pourrais faire usage de la méde cine sans la mettre en contact avec la partie malade. Afin de lui donner confiance dans mes talents anatomiques, je me mis à re muer un doigt et lui demandai « s’il savait en vertu de quelle force cette action pouvait avoir lieu? » Sur sa réponse négative, je me livrai à une démonstration aussi élémentaire que possible dont il se montra parfaitement satisfait, et qui le fit consentir à se laisser opérer. L’opération consistait à lui poser un vésicatoire ; elle se fit d’une façon passablement ridicule, vu que l’emplâtre déjà posé dut être alternativement frotté sur les mains et les visages tant de Bombay que de Nasib, pour bien établir que le Docteur et les « mauvais Esprits » n’avaient absolument rien de commun. Profitant du moment où j’avais le roi bien à ma dispo sition, — ce qui est dans l’Ouganda une circonstance tout à fait exceptionnelle,—je lui soumis les plans que j’avais formés pour l’arrivée de Grant et de Petherick; mais je n’obtins que ce qu’on appelle au palais « une exception dilatoire, » car, après m’avoir dit qu’il désirait autant que moi les voir à sa cour, il s’engagea sim plement à « tout arranger dès le lendemain. » 26 février. —.Dès le matin, comme nous en étions convenus, je retournai chez le roi. Le vésicatoire avait fort bien pris, et en don nant issue à l’humeur, — que Bombay appelait « la maladie, » — je fis à mon royal client un plaisir extrême. Il commanda un pa nier de fruits, ressemblant assez aux loquots de l’Inde, et nous les mangeâmes ensemble tout en discutant les mesures à prendre pour Grant et Petherick ; le roi finit par me promettre que’il envr-