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260 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. ouvrait la marche. 11 était dans les mains du kirangozi, à côté duquel nous étions groupés, N’yamgundou, les pages et moi. Suivait la garde d’honneur, composée de douze hommes en manteaux de flanelle rouge, l’arme sous le bras et la baïonnette au bout du fusil. Le reste de mes gens venait derrière, cha cun portant un des objets que j’allais déposer aux pieds de mon nouvel hôte. Sur tout son passage, notre cortégq soulevait des cris d’admi ration ; parmi les spectateurs, les uns de leurs deux mains se pre naient la tête, les autres, au contraire, s’en faisant un porte-voix, criaient à qui mieux mieux dans leur extase : « Irungi! irungi ! » Ce qui équivaut pour eux au » bravo » le plus énergique. Toutes choses allaient donc, selon moi, aussi bien que possible, quand je m’aperçus, — désagréable surprise, — que les gens chargés du hongo ou offrande de Souwarora (une centaine de paquets de fil d’archal, comme je l’ai dit), se tenaient en tête du cortège et prenaient ainsi le pas sur moi. Le déboire était d’autant plus amer, que ce présent, par moi destiné à Mtésa, était au nombre des objets que Souwarora m’avait arrachés dans l’Ousoui; mais j’eus beau me plaindre,beau protester, les Youakoungou chargés de m’escorter semblaient sourds à mes griefs. Nous remontâmes ainsi la grande route, jusqu’à une espèce de place qui sépare le domaine de Mtésa et celui de son haniraviona ou commandant en chef. Là, nous entrâmes dans la cour, et ma surprise revint tout entière à la vue de ces grandes huttes gazonnées, dont la toiture en chaume semblait avoir passé par les ciseaux d’un de nos coiffeurs. De Tune à l’autre, et divisant en compartiments réguliers l’enclos de chacune d’elles, couraient des claies à la fois solides et légères, faites de cette espèce de roseaux, très- communs dans l'Ouganda, auxquels on a donné ie nom « d’herbe à tigre » (liger-grass). C’est ici qu’habitent pour la plupart les trois ou quatre cents femmes de Mtésa. Le reste a ses quartiers auprès de la N’yamasorè ou reine mère. Elles se tenaient par petits groupes devant les portes, faisant leurs remarques et pa raissant s'égayer, je dois le dire, de notre procession triom phale. Les officiers de garde à chaque issue, ouvrant et refer mant les portes, faisaient tinter les cloches dont elles sont garnies et qui ne permettent pas de se glisser à petit bruit dans la royale enceinte.