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220 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. compensait largement, châtiait avec rigueur, et prit rapidement un train de vie magnifique. Il lui fallait le palais le plus vaste, le harem le plus nombreux, les officiers les plus recherchés par leur parure, un trône pour siéger solennellement, voire une ménagerie de plaisance, bref, ce qu’il y avait de mieux en tout genre. 11 lit construire des barques de guerre, à la place des canots dont on s’était servi jusqu’alors; il constitua des armées qui devaient maintenir intacts son ascendant et sa gloire : somme toute, un gouvernement parfait dans l’ordre d’idées où se place un peuple non civilisé. On traça des grandes routes d’un bout du pays à l’autre, et on jeta des ponts sur les rivières; il fut défendu de bâtir une maison dépourvue des attenances néces saires à sa propreté; personne, même parmi les plus pauvres, n’eut le droit d’étaler sa nudité ; — toutes ces lois avaient pour sanction unique la peine de mort. Après le décès de Kiméra, la prospérité de l’Ouganda ne fit qu’augmenter. L’espèce d’aristocratie officielle qu'il avait fondée se montrait aussi fière de son affranchissement que le roi créé par elle pouvait l’être de la dominer. Kiméra fut enterré en grande cérémonie, après que son cadavre, placé sur une planche à la boucha d’une espèce de four en terre cuite, chauffé en dessous, eût été convenablement desséché, trois mois durant, par les soins de son plus fidèle compagnon. Cette longue opéra tion terminée, on lui coupa la mâchoire inférieure qu’on enve loppa d’un beau travail de verroteries, de même que le cordon ombilical précieusement conservé depuis la naissance de Kiméra. Ces reliques furent mises à part. Mais le corps lui-même, placé dans une tombe, y demeura sous la garde perpétuelle de l’offi cier en question et d’un certain nombre de femmes favorites du défunt souverain. Vivant du produit des jardins qu’elles culti vaient autour de la tombe, elles ne devaient jamais s’exposer aux regards de son successeur. Kiméra, pourvu de tant de femmes, laissait un bon nombre de princes (Vouarangira) et tout autant de princesses. Parmi les premiers, les Vouakoungou choisirent pour roi celui qu’ils ju geaient le plus apte au gouvernement du pays, et le choisirent de naissance inférieure, au-moins du côté de sa mère, de peur que cet élu ne les écrasât de son orgueil. Les autres furent placés avec leurs femmes sous la surveillance d’un gardien,