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LE KARAGOUÉ. 209 Voici un échantillon des mœurs du Karagoué. Deux hommes, époux de la même femme, font valoir leurs droits à la propriété d’un enfant qu’elle vient de mettre au monde, et qui, étant mâle, peut être revendiqué par le père. Baraka, choisi pour arbitre, se décide d’après la ressemblance de l’enfant avec une des deux parties adverses. Son arrêt, approuvé de tous si ce n’est du perdant, provoque les rires joyeux de l’assistance. Il faut peu de chose aux Youangouana pour stimuler leur avide curiosité, leur hilarité toujours prête. 20 et 30 décembre. — A propos de cet incident, Roumanika m’en raconte beaucoup d’autres d’où je dois conclure qu’en général les mariages, dans le Karagoué, sont des transactions purement pécuniaires. Le père reçoit en échange de sa fille un certain nombre de vaches, de moutons et d’esclaves ; mais celle- ci, mécontente du marché, peut s’affranchir du joug conjugal en restituant l'équivalent de ce douaire. Les Vouahouma, du reste, bien qu’ils entretiennent des esclaves et parfois épousent des négresses pur sang, ne souffrent point que leurs filles con tribuent à faire dégénérer leur race en se mariant en dehors de leur tribu. C’est également en vertu de leur culte pour cette origine spéciale dont ils sont si fiers, que la peine de mort n’est jamais infligée dans le Karagoué, pas même à l’homme cou pable de meurtre, pas même à celui qui a lâché pied dans le combat : tous les crimes s’expient au moyen d’amendes pro portionnées à leur importance, et qui consistent en un nombre plus ou moins grand de vaches laitières. 31 décembre. — A la suite d’une, de ces discussions théologi ques auxquelles mon hôte semble se complaire depuis que j’ai fait remonter son origine abyssinienne jusqu’au roi David, « dont les cheveux étaient aussi droits que les miens, » je me permets de lui demander pourquoi, n’ayant aucune idée de Dieu ni d’une vie future, il immole tous les ans une vache devant le tombeau de son père : « Je ne sais pas, me répond-il en riant, mais il me semble qu’en agissant ainsi j’obtiendrai de meilleures moissons. C’est aussi pour cela que je place devant une des grosses pierres de la montagne une certaine quantité de grain et de pombé, bien que je la sache incapable de manger et de boire. Les hommes de la Côte , et à vrai dire tous les indigènes, pour autant que j’en sache, pratiquent les mêmes rites. Pas un 14