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6 PRÉFACE. de sociabilité, nous la méritons bien plutôt que ces pauvres ignorants, nous qui, mieux doués, investis de qualités supé rieures, avons négligé de les instruire. Soit dit en passant, il est absurde de prétendre que le nègre est incapable d’éducation 1 , car les enfants noirs élevés en petit nombre dans nos écoles ont presque toujours fait preuve d’une intelligence et d’une aptitude au moins égales à celles des élèves européens. Entre eux, d’autre part, les fils de Cham déploient une subtilité de ruses, une vivacité de reparties, une fertilité d’invention qui malheureuse ment se révèlent par les mensonges les mieux trouvés, débités avec un sans façon, un naturel tout à fait amusants. Quelques aperçus généraux, joints à ces remarques, et que je placerai sous leurs rubriques, respectives, me paraissent devoir précéder le compte rendu de mon voyage. Géographie. — Le continent de l’Afrique se présente assez bien à l’esprit sous l’image d’une assiette renversée. Au centre un plateau élevé que forment des plaines immenses, et autour du- 1. Un écrivain distingué résume ainsi cette question très-grave et très-contro versée: Les nègres sont-iJs susceptibles de civilisation? a Le nègre ne possède pas la force d’initiative et les instincts naturels qui ont permis aux autres hommes, jetés comme lui nus sur la terre, de se développer et de s’améliorer ; mais également facile aux bonnes et aux mauvaises impressions, d’un naturel en général doux et bienveillant, il se prête volontiers à l’éducation qu’on lui apporte. Les autres hommes peuvent jouer à leur gré auprès de lui le rôle de bon ou de mauvais génie; le nègre subit toutes les influences sans les dis cuter, avec une conscience en quelque sorte touchante de son infériorité. Cette infériorité, ses traditions le constatent; elles sont pleines du lointain souvenir d’une malédiction divine.... a L’éducation et le mélange,tels sont, d’après les démonstrations de l’expérience, les principaux moyens d’améliorer la race noire. Le mélange sera la conséquence naturelle de l’établissement des Européens en Afrique. Quant à l’éducation, il se pourra qu’elle prenne dans beaucoup d’Êtats noirs une forme analogue à la tutelle que les États-Unis exercent sur la petite république de Libéria, ou qu’elle soit aidée par le concours des missionnaires ; mais, de quelque façon qu’elle procède, il ne faut pas s’attendre à lui voir produire de prompts résultats. » M. Jacobs développe ensuite cette idée que les principaux obstacles au progrès de la civilisation européenne en Afrique viendront de ce qu’il existe dans ce pays des populations d’origine sémitique ou malaisienne qui l’isoleront du mouvement général : les Arabes, les Berbères, les Fellani, conquérants implantés sur le sol et qui, mieux que les indigènes, le défendront contre l’invasion étrangère. (Alfred Jacobs, Revue îles Deux-Mondes, 15 juin 1858.)