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188 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. draulique des montagnes de la Lune, et mon hôte veut me mon trer comment la Kitangoulé s’alimente aux dépens de plusieurs petits lacs et de vastes marécages. Parti à la pointe du jour, il a pris la route de terre, mais il m’engage à le suivre en canot, et je trouve en effet, au bord du lac, mes embarcations déjà prêtes. Elles sont si petites, qu’en sus des deux rameurs, c’est à peine si deux personnes peuvent y trouver place. Nous nous frayons passage,avec plus ou moins de peine, à travers l’épaisse forêt de roseaux qui recouvre cette partie du lac ; mais une fois en pleine eau, nous jouissons d’un spectacle magnifique. Un épais gazon recouvre la croupe des monts qui nous entourent ; çà et là des groupes d’accacias aux formes indécises et presque nuageuses. Sur un sol plus haut, et par conséquent plus éloigné, quelques beaux arbres isolés, parmi lesquels se distingue, disséminé de part et d’autre, le gigantesque aloès médicinal. Arrivés dans le second lac, au pied de la montagne que nous devons explorer (la Moga-Namirinzi), un dernier coup de rame nous lance sur la plage où nous attendent plusieurs rangées de spectateurs res pectueux, à la tête desquels est Nnanaji. Je débarque avec la gravité d’un souverain, au bruit d’une musique assourdissante, et, précédé par elle, nous nous rendons auprès de Roumanika, installé, pour nous recevoir, dans son palais des frontières. Drapé dans une peau d’antilope-nzoé, il nous accueille avec son sou rire habituel. Le dîner, servi à l’instant, se compose de bananes cuites et de pombé ; au dessert, une pipe d’excellent tabac. Rou manika n’est pas insensible à l’idée de voir son nom popularisé par mes écrits; il semble pris d’un beau zèle pour la géographie, et me conduit au bord de la Kagéra, où nous retrouvons, à ma grande surprise, les canots que nous avions laissés sur le lac, de l’autre côté de la montagne. Ceci démontre d’une manière vic torieuse, et par le fait même de la navigation, les rapports qui existent entre ces réservoirs des hautes terres et les diverses ri vières par lesquelles s’assèchent les différents pics des monta gnes de la Lune. La Kagéra est, en elle-même( un cours d’eau profond et bien alimenté; cependant elle est loin de jouer le principal rôle parmi ceux qui déversent dans la Kitangoulé le trop plein des vallées montagneuses ; je pus donc juger au pre mier coup d’œil quel puissant tributaire possède le Victoria N’yanza, dans la seconde des rivières que je viens de nommer.