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172 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. vers le camp, et nous en sommes quittes pour quelques mètres de lainage rouge qu’on reçoit avec gratitude, sans nous rien de mander de plus. 19 nov. Second Ourigi. — Plus nous avançons, plus se mani feste le bon ordre de ce pays, la courtoisie des chefs à qui nous avons affaire ; une liberté complète nous est assurée, et j’en pro fite pour chasser à droite et à gauche sur les hauteurs les plus voisines. J’ai tué un florikan, précieuse ressource pour notre pot au feu, plus un rhinocéros blanc, le premier que j’aie vu, et dont j’aurais épargné la vie si j’avais su que personne n’en voudrait manger. Les enfants nous apportent, par centaines, des moi neaux à vendre, ce qui me rappelle certaines histoires qu’on m’avait faites jadis sur le Karagoué, où ces oiseaux, me disait- on, pullulent en si grand nombre que, pour sauver les récoltes et ne pas mourir de faim, les habitants en sont réduits à semer une espèce particulière de blé, que son amertume soustrait à la voracité de ces innombrables déprédateurs. Ceci m’est entière ment confirmé. Le soir, occupé d’observations astronomiques, je vois passer près de moi, non sans quelque surprise, un long et bruyant cortège en tête duquel est portée, sur les épaules de trois ou quatre hommes, une jeune fille roulée dans une enve loppe de cuir noir. Des informations que j’ai prises, il résulte que c’est une mariée du matin qu’on va déposer ainsi en paquet sur le lit de son époux; on ne se donne cette peine toutefois que pour celles qui sont réputées vierges. D’après certains récits qui parviennent à mes oreilles, Masoudi, le négociant arabe dont j’ai parlé, a fait tout au monde pour détourner Roumanika de nous recevoir, et peu s’en est fallu qu’il n’ait réussi, en nous représentant comme des sorciers très-dangereux. Heureusement nous arrivions avec la recommandation de Mousa, et Roumanika — nous l’avons dit ailleurs — se considère comme lui devant la couronne. Ce motif a fait prévaloir les remontrances de nos partisans. 20 nov. Khonzé. — Le chef de ce village, un vieillard nommé Mouzégi, m’affirme du plus grand sérieux qu’il a vu le temps où on allait en bateau d’ici à Yigoura; le poisson, les crocodiles de la Kitangoulé remontaient jusqu’au lac sur les bords duquel nous sommes ; mais le vieux roi ne fut pas plutôt mort que les eaux baissèrent, Sa Majesté voulant, ceci est clair, laisser des regrets