LE KARAGOUE. 171 par sa richesse et ses teintes rougeâtres, celui de notre beau Devonshire. A peine campés sous un bouquet d’arbres, nous voyons arriver à nous l’officier chargé par Roumanika de nous aider à sortir de L’Ousoui. Nasib, qui retrouve Un ami d’autrefois dans ce per sonnage nommé Kachouchou, rayonne littéralement de joie et cette circonstance favorable lui apparaît comme l’accomplisse ment des heureux présages qu’il nous signalait hier.Les instruc tions données à Kachouchou sont en effet très-libérales. Partout où nous ferons halte, les officiers de chaque village sont tenus de nous fournir des aliments aux dépens du roi. Dans le Kara- goué, aucune taxe n’est levée sur les étrangers. L’échange des présents est seul permis. Trompés hier par la vue d’une vaste nappe d’eau qui, du haut d’une montagne, nous apparaissait dans le lointain, nous nous supposions en présence du N’yanza lui-même, tandis qu’en réa lité nous avions devant nous le Louérou-lo-Ourigi, un lac à part qui rejoint le Victoria N’yanza par une brèche dans les monta gnes et par la rivière Kitangoulé. On nous affirme qu’autrefois la vallée de l’Ourigi était entièrement recouverte d’eau; à cette époque, on voyageait en bateau sur les basses terres que nous avons traversées à partir de l’Ousoui et les collines en dos d’âne que j’ai tout à l’heure décrites, formaient une chaîne d’îlotsplus ou moins séparés. Mais le pays s’est desséché peu à peu, et le lac d’Ourigi s’est transformé en un marécage peu important. On reporte la date de ce phénomène à la mort du feu roi Dagara. Notre marche d’hier m’a rappelé bien des jours heureux que j’avais passés jadis, parmi les Tartares, dans la vallée du Thibet où coule le fleuve Indus. J’accorderais cependant au pays où je suis une supériorité pittoresque : sur des pentes plus hautes croît une herbe plus épaisse; elles se couronnent de fourrés d’acacias où se réfugient les rhinocéros blancs et noirs ; dans les parties basses du vallon errent au hasard, comme le kiyang et le yak apprivoisé du Thibet, des troupeaux de hartebeests et de ma gnifique bétail. Puis enfin, pour ajouter à cette joie des yeux, nous sommes reçus avec une hospitalité prodigue, conformément aux ordres du roi. L’officier du village nous amène des moutons dès qu’il nous sait arrivés. Les patates douces, la volaille, affluent