160 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. gundou, vient nous faire unè visite de politesse. Il a pour vête ment un large surtout fait d’une quantité de petites peaux d’an tilopes, prises sur des sujets très-jeunes, souples comme du chevreau, et cousues ensemble avec autant de soin que si elles eussent passé par les mains de nos gantiers. A notre grande surprise, les manières du personnage sont en parfait rapport avec les soins qu’il semble prendre de son extérieur, et nous sommes tous enchantés de lui, bien qu’il ne puisse être com pris que de Nasib, lequel déclare l’avoir connu précédemment. C’est le frère de la reine douairière de l’Ouganda, député par Mtésa, qui règne actuellement sur cette contrée, pour venir de mander en mariage la fille de Souwarora, renommée à cause de sa beauté merveilleuse. N’yamgundou et les officiers qui com plètent le personnel de l’ambassade, retenus ici depuis plus d’un an, ont vu mourir la jeune fille dont ils venaient solli citer la main; et Souwarora, dans la crainte où il est que le grand roi Mtésa ne tire vengeance de ces retards, cherche à conjurer sa colère en lui envoyant, aux lieu et place de la fille qu’il a perdue, un tribut suffisant en fils de laiton. Ceci m’expli que l’acharnement avec lequel je me suis vu exploiter. Le lendemain, autre visite. Sirlxid se présente comme le plus grand personnage de l’État. C’est un jeune homme de bonne mine, chez qui se retrouvent les indices caractéristiques d’une origine Vouahouma. Son turban, les étoffes voyantes de son cos tume lui constituaient une toilette à grand effet ; il s’exprime avec une douceur inusitée, et s’installe sur nos tabourets comme si l’usage de pareils sièges lui avait été familier dès son en fance. Je lui explique—avec toute la dignité d’un grand person nage poursuivi par une fortune contraire, — à quelles épreuves je viens d’être soumis. Il promet de tout redire à son maître et de faire en sorte que nous soyons traités avec moins de rigueur. Je voulus alors le charger pour Souwarora de quelques présents exceptionnels, dont je pris soin de mettre en relief l’importance et la rareté : un pistolet à cinq coups, une grande boite de fer blanc, etc. ; mais lorsqu’il les eût examinés : « Non, me dit-il, n’exhibez pas tout d’abord ces objets qui pourraient effaroucher le mkama ; il les prendrait pour des en gins de maléfice et me ferait couper la tête pour avoir osé les lui présenter. On ne sait ensuite ce qui arriverait.