L’OUSOUI. 155 Je m’attendais à des difficultés, mais les « anciens » du pays vinrent au contraire me rendre hommage. Cet acte de vigueur les avait d’autant plus frappés que le voleur en question était un sorcier jusqu’alors réputé invulnérable. Ceci du reste n’empêcha pas de nouvelles tentatives. L’endroit où nous étions fourmillait de gens disposés à s’approprier le bien d’autrui. Quelques-uns de mes hommes, attirés dans des huttes écartées sous prétexte d’invitation à dîner, y furent dépouillés de tous leurs vêtements. Plusieurs nuits de suite, notre camp fut assailli à coups de pierre. Il fallut de nouveau recourir aux grands moyens. Un de ces bandits fut tué, deux autres blessés grièvement Nasib était revenu, nous apportant de la part de Souwarora des paroles de sympathie. Toutefois, ce chef se déclarait hors d’état d’intervenir dans le règlement des taxes réclamées par ses offi ciers. — « Pour lui-même il ne demandait rien et comptait sur notre visite aussitôt que nous serions affranchis, en sacrifiant quelques bagatelles, de ces exigences subalternes. » Ces vains compliments ne me dissimulaient pas la vérité. Je savais à mer veille que les agents inférieurs de Souwarora prélevaient à peine un pour cent sur le produit de leurs rapines ; tout le reste allait dans la caisse royale. Il ne restait qu’à se tirer le plus tôt pos sible de ces mains rapaces. Je me mis donc en mesure de faire partir un messager pour le palais de Roumanika, dans l’espoir que ce chef voudrait bien m’envoyer sa « masse » pour nous tirer de l’Ousoui, comme celle de Souwarora nous avait tirés du Bogoué. Puis, je me débattis comme je pus avec Karivouami, chargé de régler le hongo pour son compte et pour celui de son collègue. La discussion dura toute la journée du 28 et celle du 29. Elle n’était pas terminée, tant s’en faut, lorsque Bombay revint du camp de Masoudi (le négociant arabe dont j’ai déjà parlé plusieurs fois) dans un état de jubilation tout à fait extra ordinaire : — « Par un hasard des plus singuliers, disait-il, j’ai pu voir dès les premières vingt-quatre heures le grand Mkama lui-même, auprès duquel Masoudi demande vainement à être admis et qui, depuis quinze jours, malgré des instances quoti diennes, lui fait attendre le règlement de son tribut. — A la bonne heure, lui dis-je; mais aurons-nous une au dience? — Ceci, je l’ignore, me répondit-il. Souwarora était si com-