L’OUZINZA. 149 porteurs à destination de l’Ousoui. Trois esclaves du sheik Saïd nous rejoignirent pendant que nous étions occupés de ces soins. Nous eûmes par eux une lettre du colonel Rigby, lettre dont le premier aspect nous combla de joie; mais ce bel enthousiasme se refroidit quand nous prîmes connaissance du contenu de la missive. Elle nous annonçait l’envoi d’une foule d’objets essen tiels et de lettres arrivées d’Angleterre, le tout expédié de la côte à la date du 30 octobre 1860! Nos messagers m’apprirent qu’un négociant, dont le surnom était Msopara, s’était avisé de consigner les caisses entre les mains de quelques-uns de ces Arabes qui étaient retenus dans l’Ougogo, tandis que lui-môme remontait la rivière Rouaha jusqu’à l’Ousanga et l’Osenga 1 , d’où il s’était ensuite rendu à Kazeh. Ils m’apportaient aussi les compliments du sheik Saïd et ses heureux pronostics pour mon voyage, fondés sur trois rêves consécutifs qu’il avait faits à des époques favorables, et qui tous me montraient faisant au Caire une entrée triomphale. Manoua Séra tenait toujours la campa gne, et les affaires étaient toujours en suspens. 9 octobre. Kagongo. — Nos porteurs étant en nombre suffi sant, nous nous sommes remis en route tous ensemble dans un pays qui, par son aspect diffère essentiellement de celui que nous venons de traverser. Ce ne sont plus, comme dans l’Ounya- mouézi, des vallons séparés par une série d’éminences graniti ques : ici nous n’apercevons que deux chaînes de petites collines fort éloignées l’une de l’autre, et le terrain qu’elles bornent à notre droite et à notre gauche, au lieu de se creuser en vallées, s’élève en longues pentes sablonneuses revêtues d’une mesquine végétation forestière, parmi laquelle on retrouve fréquemment une espèce de fleur qui rappelle la primevère, mais dont les dimensions sont beaucoup plus considérables, et qui offre géné ralement une nuance rose tirant sur le cramoisi. N’eussent été les continuelles jalousies, les rancunes secrètes, les tentations de révolte, les querelles qui troublaient quotidiennement notre existence, nous aurions pu cheminer assez agréablement au sein de ces contrées désertes. Mais, malgré les harangues dont le kirangozi régalait le camp chaque soir, nous n’obtenions jamais 1. Ces deux districts, nécessairement au sud de Kazeh, ne sont point marqués sur la carte du voyage.