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136 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. bouleversé; nous ne devions trouver sur notre route que des chefs comme Loumérézi; je n’avais pas la moitié de ce qu’il m’eût fallu pour satisfaire aux exigences qui m’attendaient dans l’Ousoui, » — et mes fidèles serviteurs ne voulaient à aucun prix me voir « mettre en pièces » sous leurs yeux. 5 et 6 août. — J’obtiens de Boui la promesse qu’il partira pour l’Ousoui dès que le hongo sera réglé, moyennant que je prendrai toute la responsabilité de cette détermination hardie. Ranimé par ce léger succès et par quelques symptômes avant-coureurs de mon rétablissement, je fais porter mon fauteuil sous un arbre et j’y fume ma première pipe de convalescence. Tambours aussitôt de battre, et mes gens de sauter, non-seulement toute la nuit mais jusqu’au lendemain soir, pour me féliciter de cette résurrection qu’ils étaient loin de prévoir. Ils me racon tent, avec force éclats de rire et pantomimes grotesques, les scènes étranges qui ont eu lieu entre moi et Loumérézi, pendant ces dernières conférences où j’avais à peu près perdu la tête. Bombay, sur ces entrefaites, a la sottise de dire au chef que s’il veut un diouli, c’est à Grant qu’il faudrait adresser sa requête. Loumérézi prend feu à l’instant même. — Il sait fort bien, dit-il, que j’en ai un dans ma malle, et si je veux garder celui-là, je n’ai qu’à prier Grant de m’envoyer l’autre. Dans tous les cas, il ne me laissera marcher au nord que lorsqu’il aura obtenu l’écharpe tant de fois demandée. — Boui et Nasib disparaissent tout à coup furtivement, et vont coucher à mon insu dans une borna voisine. Du 7 au 9 août.— Les choses en sont venues au point qu’il faut céder. Je remets à Loumérézi le diouli réservé pour Roumanika, prenant soin de l’avertir que s’il fait tort à quelqu’un, c’est à ce prince et non pas à moi. « J’ai tout lieu de penser, lui dis-je encore, qu’après une pareille concession les tambours ne tar deront pas à battre. » Le drôle déroule en ricanant l’étoffe de soie, la dispose à loisir sur ses larges épaules, et me régale en suite du beau compliment que voici : « Sans doute, sans doute, ceci complète notre présent d’amitié ; quant au hongo qu’il s’agit de régler maintenant, je prendrai juste le double de ce que vous m’avez déjà donné. » Je reconnus, dans cette fourberie sauvage, l’inspiration et le génie vindicatif de Makaka. J’étais parvenu à éviter son district; il prenait ainsi sa revanche, et