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86 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. Karagoué, reçoit de ce côté, me disent-ils, et par l’entremise de Kamrasi, roi d’Ounyoro, des perles d’une espèce particulière, telles que Zanzibar n’en pourrait fournir. On prétend, en outre, que ces perles ont été enlevées aux blancs par les Vouakidi, sur lesquels circulent toute espèce de traditions quasi mythologi ques. Ils ignorent l’usage des vêtements, habitent la cime des arbres, laissent pendre jusqu’au bas des reins leurs cheveux cou verts de coquilles cauries, et accrochent des rangs de perles à des fils d’archal qu’ils passent dans leurs oreilles et à travers leur lèvre inférieure ; ils portent enfin des colliers et des bracelets de fer. Aucun peuple ne peut résister à leur élan belliqueux, et cependant ils ne connaissent d’autre arme qu’une courte javeline. Mohinna, un autre de mes interlocuteurs, compléta ces pro pos par un récit pittoresque du combat où il avait tué Courtes- Jambes, l’ex-chef du pays de Khoko. La rixe était survenue à propos d’une source dont les indigènes voulaient faire payer l’usage à la caravane de Mohinna. Celui-ci refusant de se sou mettre à cette èxaction, en vertu de l’axiome local que « l’eau est un don de Dieu », les coups succédèrent bientôt aux paroles. Abandonné à l’instant même par tous ses paçjazis, Mohinna dut céder au nombre, et ses marchandises tombèrent aux mains des Vouagogo; il se vengea, néanmoins, en brûlant la cervelle à ’ Courtes-Jambes, et parvint ensuite à regagner Kazeh, où, grâce à l’assistance de quelques esclaves fidèles, il put ramener ses trois femmes saines et sauves. Les changements survenus dans l’Ounyanyembé depuis que j’ai quitté ce pays, sont tout à fait surprenants. Chez les Ara bes, le caractère du trafiquant semble s’être effacé pour faire place à celui du grand cultivateur; ils ont maintenant de vastes étables à portée de leur résidence. Les villages indigènes, au contraire, sont dans l’état le plus pitoyable. Pour me procurer le grain nécessaire à la subsistance de mes hommes, il a fallu faire battre le district dans un rayon de plusieurs journées de ' marche, et payer au prix de famine ce qui s’y trouvait de dis ponible. La disette qui sévit de tous côtés n’est pas seulement le résultat de la guerre; les pluies de la dernière saison n’ont pas été assez abondantes, et les récoltes ont manqué presque partout. 27 et 28 janvier. — J’ai distribué à mes gens de quoi compen ser les souffrances par eux subies pendant la traversée du désert,