CHAPITRE XIII. 6 9 mes vices, de cruels abus, d’ou résulta précisément leur fragilité ; qu’en général les principes des gouvernemens étaient atroces ; qu’il régnait de peuple à peuple un bri gandage insolent, des guerres barbares, des haines im placables ; que le droit naturel était ignoré ; que la mora lité était pervertie par un fanatisme insensé, par des superstitions déplorables ; qu’un songe, qu’une vision, un oracle, causaient à chaque instant de vastes commo tions : et peut-être les nations ne sont-elles pas encore bien guéries de tant de maux ; mais du moins l’intensité en a diminué, et l’expérience du passé n’a pas été totale ment perdue. Depuis trois siècles surtout, les lumières se sont accrues, propagées ; la civilisation, favorisée de cir constances heureuses, a fait des progrès sensibles; les in- convéniens même et les abus ont tourné à son avantage ; car si les conquêtes ont trop étendu les États, les peuples, en se réunissant sous un même joug, ont perdu cet esprit d’isolement et de division qui les rendait tous ennemis : si les pouvoirs se sont concentrés, il y a eu, dans leur gestion, plus d’ensemble et plus d’harmonie : si les guer res sont devenues plus vastes dans leurs masses, elles ont été moins meurtrières dans leurs détails : si les peuples y ont porté moins de personnalité, moins d’énergie, leur lutte a été moins sanguinaire, moins acharnée; ils ont été moins libres, mais moins turbulcns; plus amollis, mais plus pacifiques. Le despotisme même les a servis ; car si les gouvernemens ont été plus absolus, ils ont été moins inquiets et moins orageux ; si les trônes ont été des pro priétés , ils ont excité, à titre d’héritage, moins de dissen-