LES RUINES. 60 le Lutin excitait l’ardeur ; la bravoure e'tait récompensée; la lâcheté, l’indiscipline punies ; et tous les ressorts du cœur humain étaient en activité : ainsi vous vainquîtes cent nations, et d’une foule de royaumes conquis vous fondâtes un immense empire. » Mais d’autres mœurs ont succédé ; et dans les re vers qui les accompagnent, ce sont encore les lois de la nature qui agissent. Après avoir dévoré vos ennemis, votre cupidité, toujours allumée, a réagi sur son propre foyer; et, concentrée, dans votre sein, elle vous a dévo rés vous-mêmes. Devenus riches, vous vous êtes divisés pour le partage et la jouissance; et le désordre s’est in troduit dans toutes les classes de votre société. Le sultan, enivré de sa grandeur, a méconnu l’objet de ses fonc tions ; et tous les vices du pouvoir arbitraire se sont dé veloppés. Ne rencontrant jamais d’obstacles à ses goûts, il est devenu un être dépravé ; homme faible et orgueil leux, il a repoussé de lui le peuple, et la voix du peuple ne l’a plus instruit et guidé. Ignorant, et pourtant flatté, il a négligé toute instruction, toute étude, et il est tombé dans l’incapacité ; devenu inepte aux affaires, il en a jeté le fardeau sur des mercenaires, et les mercenaires l’ont trompé. Pour satisfaire leurs propres passions, ils ont stimulé , étendu les siennes ; ils ont agrandi ses besoins, et son luxe énorme a tout consumé ; il ne lui a plus suffi de la table frugale, des vêtemens modestes, de l’habitation simple de ses aïeux; pour satisfaire h son faste, il a fallu épuiser la mer et la terre ; faire venir du pôle les plus rares fourrures ; de l’équateur, les plus chers tissus ; il a