LES RUINES. 48 la douleur, abjurer l’amour de soi-même ; il persé cuta ses sens, détesta sa vie ; et une morale abnégative et antisociale plongea les nations dans l’inertie de la mort. Mais parce que la nature prévoyante avait doué le cœur de l’homme d’un espoir inépuisable, voyant le bon heur tromper ses désirs sur cette terre, il le poursuivit dans un autre monde : par une douce illusion, il se fit une autre patrie, un asile où, loin des tyrans, il reprît les droits de son être; de là résulta un nouveau désordre : épris d’un monde imaginaire, l’homme méprisa celui de la nature; pour des espérances chimériques, il négligea la réalité. Sa vie ne fut plus à ses yeux qu’un voyage fa tigant , qu’un songe pénible ; son corps qu’une prison, obstacle à sa félicité; et la terre un lieu dlexil et Aepè- lerinage, qu’il ne daigna plus cultiver. Alors une oisiveté sacrée s’établit dans le monde politique ; les campagnes se désertèrent, les friches se multiplièrent, les empires se dépeuplèrent, les monumcns furent négligés; et de toutes parts l’ignorance, la superstition, le fanatisme, joignant leurs effets, multiplièrent les dévastations et les ruines. Ainsi, agités parleurs propres passions, les hommes en masse ou en individus, toujours avides et imprévoyans, passant de l’esclavage à la tyrannie, de l’orgueil à l’avi lissement, delà présomption au découragement, ont eux- mêmes été les éternels instrumens de leurs infortunes. Et voilà par quels mobiles simples et naturels fut régi le sort des anciens États ; voilà par quelle série de causes et d’eflèts liés et conséquens, ils s’élevèrent ou s’abaissè-