CHAPITRE XI. 47 duisit en système régulier le maintien du désordre ; et selon que l’on naquit d’un certain sang, l’on naquit serf ou tyran, meuble ou propriétaire. Et les oppresseurs étant moins nombreux que les op primés, il fallut, pour soutenir ce faux équilibre, perfec tionner la science de Xoppression. L’art de gouverner ne fut plus que celui d’assujettir au plus petit nombre le plus grand. Pour obtenir une obéissance si contraire à l’ins tinct , il fallut établir des peines plus sévères ; et la cruauté des lois rendit les mœurs atroces. Et la distinction des personnes établissant dans l’État deux codes, deux justi ces , deux droits ; le peuple, placé entre le penchant de son cœur et le serment de sa bouche, eut deux consciences contradictoires, et les idées du juste et de l’injuste n’eu rent plus de base dans son entendement. Sous un tel régime, les peuples tombèrent dans le dé sespoir et l'accablement. Et les accidens de la nature s’é- taut joints aux maux qui les assaillaient, éperdus de tant de calamités, ils en reportèrent les causes h des puissan ces supérieures et cachées; et parce qu’ils avaient des ty rans sur la terre, ils en supposèrent dans les cicux ; et la superstition agrava les malheurs des nations. Et il naquit des doctrines funestes, des systèmes de re ligion atrabilaires et misanthropiques, qui peignirent les dieux médians et envieux comme les despotes. Et pour les apaiser, l’homme leur offrit le sacrifice de toutes ses jouissances: il s’environna de privations, et renversa les lois de la nature. Prenant ses plaisirs pour des crimes, ses souffrances pour des expiations, il voulut aimer