CHAPITRE XI. 45 se livrèrent à tous les goûts factices et dépraves; il leur fallut des jardins suspendus sur des voûtes, des fleuves élevés sur des montagnes; ils changèrent des campagnes fertiles en parcs pour des fauves, creusèrent des lacs dans les terrains secs, élevèrent des rochers dans des lacs, fi rent construire des palais de marbre et de porphyre, vou lurent des ameublemcns d’or et de diamaus. Sous prétexte de religion, leur orgueil fonda des temples, dota des prê tres oiseux, bâtit, pour de vains squelettes, d’extravagans tombeaux, mausolées et pyramides. Pendant des règnes entiers, on vil des millions de bras employés à des tra vaux stériles : et le luxe des princes, imité par leurs pa rasites et transmis de grade en grade jusqu’aux derniers rangs, devint une source générale de corruption et d’ap pauvrissement. Et, dans la soif insatiable des jouissances, les tributs ordinaires ne suffisant plus, ils furent augmentés ; et le cultivateur voyant accroître sa peine sans indemnité , perdit le courage; et le commerçant se voyant dépouillé, se dégoûta de son industrie ; et la multitude, condamnée à demeurer pauvre, restreignit son travail au seul néces saire, et toute activité productive fut anéantie. La surcharge rendant la possession des terres onéreu se, l’humble propriétaire abandonna son champ, ouïe vendit à l’homme puissant; et les fortunes se concentrè rent en un moindre nombre de mains. Et toutes les lois et les institutions se partagèrent entre un groupe d’oisifs opulens et une multitude pauvre de mercenaires. Le peu ple indigent s’avilit, les grands rassasiés se dépravèrent ;