CHAPITRE IX. 33 Or, comme l’amour de soi, impétueux et impré voyant, porte sans cesse l’homme contre son semblable, et tend par conséquent à dissoudre la société, l’art des lois et la vertu de leurs agens ont été de tempérer le conflit des cupidités , de maintenir l’équilibre entre les forces, d’assurer à chacun son bien-être, afin que, dans le choc de société à société, tous les membres portassent un même intérêt à la conservation et à la défense de la chose publique. La splendeur et la prospérité des empires ont donc eu à l’intérieur, pour cause efficace, Véquité des gouverne- meus et des lois ; et leur puissance respective a eu pour mesure, à l’extérieur, le nombre des intéressés, et le degré d’intérêt à la chose publique. D’autre part, la multiplication des hommes, en com pliquant leurs rapports, ayant rendu la démarcation de leurs droits difficile ; le jeu perpétuel des passions ayant suscité des incidens non prévus; les conventions ayant été vicieuses, insuffisantes ou nulles; enfin les auteurs des lois en ayant tantôt méconnu et tantôt dissimulé le but; et leurs ministres, au lieu de contenir la cupidité d’au trui, s’étant livrés à la leur propre; toutes ces causes ont jeté dans les sociétés le trouble et le désordre ; et le vice des lois, et Xinjustice des gouvernemens, dérivés de la cupidité et de Xignorance, sont devenus les mobiles des malheurs des peuples et de la subversion des États.