8 LES RUINES. des peuples si diflërens de cultes et de mœurs, depuis ceux de l’Asie antique jusqu’aux plus récens Acl’Europe, ce nom d’une terre natale réveilla en moi le sentiment de la patrie; et tournant vers elle mes regards, j’arrêtai toutes mes pensées sur la situation où je l’avais quittée ( i ). Je me rappelai ses campagnes si richement cultivées , ses routes si somptueusement tracées, ses villes habitées par un peuple immense, scs flottes répandues sur toutes les mers, scs ports couverts des tributs de l’une et de l’au tre Indes; et comparant à l’activité de son commerce , à l’étendue de sa navigation , à la richesse de ses monu- mens, aux arts et à l’industrie de ses habitans, tout ce .que l’Égypte et la Syrie purent jadis posséder de sembla ble , je me plaisais à retrouver la splendeur passée de l’Asie dans l’Europe moderne; mais bientôt le charme de ma rêverie fut flétri par un dernier terme de comparai son. Réfléchissant que telle avait été jadis l’activité des lieux que je contemplais : Qui sait, me dis-je , si tel ne sera pas un jour l’abandon de nos propres contrées ? Qui sait si sur les rives de la Seine, de la Tamise ou du Zuy- clersée, là où maintenant, dans le tourbillon de tant de jouissances, le cœur et les yeux ne peuvent suffire à la multitude des sensations ; qui sait si un voyageur comme moi ne s’assiéra pas un jour sur de muettes ruines, et ne pleurera pas solitaire sur la cendre des peuples et la mé moire de leur grandeur ? A ces mots mes yeux se remplirent de larmes, et cou - (i) En 1782, à la fin de la guerre d’Amérique.