CHAPITRE III. 285 R. Pas davantage que de rester cnfans, nus et faibles. Loin d’être pour l’homme une loi de la nature, l’igno rance est un obstacle à la pratique de toutes ses lois. C’est le véritable péché originel. D. Pourquoi donc s’est-il trouvé des moralistes qui l’ont regardée comme une vertu et une perfection? R. Parce que par bizarrerie d’esprit, ou par misan thropie , ils ont confondu l’abus des connaissances avec les connaissances mêmes: comme si, parce que les hom mes abusent de la parole, il fallait leur couper la langue : comme si la perfection et la vertu consistaient dans la nul lité, et non dans le développement et le bon emploi de nos facultés. D. L’instruction est donc une nécessité indispensable à l’existence de l’homme? R. Oui : tellement indispensable, que sans elle il est à chaque instant frappé et blessé par tous les êtres qui l’en vironnent; car, s’il ne connaît pas les effets du feu, il se brûle; ceux de l’eau, il se noie; ceux de l’opium, il s’em poisonne : si dans 1 ’état sauvage il ne connaît pas les ru ses des animaux et l’art de saisir le gibier, il périt de faim; si dans l’état social il ne connaît pas la marche des saisons, il ne peut ni labourer, ni s’alimenter; ainsi de toutes ses actions dans tous les besoins de sa conservation. Z). Mais toutes ces notions nécessaires à son existence et au développement de ses facultés, l’homme isolé peut-il se les procurer? R. Non : il ne le peut qu’avec l’aide de ses sembla bles , que vivant en société.