LES RUINES. n4 il, écoulez de sang-froid mes paroles : si vous mouriez pour prouver que deux et deux font quatre, cela les fe rait-il davantage être quatre ? Non, répondirent-ils tous. Et si vous mouriez pour prouver qu’ils font cinq, cela les ferait-il être cinq ? Non, dirent-ils tous encore. Eh bien! que prouve donc votre persuasion, si elle ne change rien à l’existence des choses ? La vérité est une, vos opinions sont diverses ; donc plusieurs de vous se trompent. Si, comme il est évident, ils sont persuadés de l’erreur, que prouve la persuasion de l’homme ? Si l’erreur a ses martyrs, où est le cachet de la vérité ? Si l’esprit malin opère des miracles, où est le caractère distinctif de la Divinité ? Et d’ailleurs, pourquoi toujours des miracles incom plets etinsuffisans? Pourquoi, au lieu de ces boulcversc- mens de la nature, ne pas changer plutôt les opinions ? Pourquoi tuer les hommes ou les effrayer, au lieu de les instruire et de les corriger ? O mortels crédules, et pourtant opiniâtres ! nul de nous n’est certain de ce qui s’est passé hier, de ce qui se passe aujourd’hui sous ses yeux, et nous jurons de ce qui s’est passé il y a deux mille ans. Hommes faibles et pourtant orgueilleux ! les lois de la nature sont immuables et profondes, nos esprits sont pleins d’illusion et de légèreté ; et nous voulons tout dé montrer, tout comprendre! En vérité, il est plus facile à