CHAPITRE XIV. 79 dent, instruit et docile; que chaque individu, connaissant ses droits, n’en transgressât pas la limite ; que le pauvre sût résister à la séduction, le riche à l’avarice ; qu’il se trouvât des chefs désintéressés et justes; que les oppres seurs fussent saisis d’un esprit de démence et de vertige ; que le peuple , recouvrant ses pouvoirs, sentît qu’il ne les peut exercer, et qu’il se constituât des organes ; que, créa teur de ses magistrats, il sût à la fois les censurer et les res pecter ; que , dans la réforme subite de toute une nation vivant d’abus, chaque individu disloqué souffrît patiem ment les privations et le changement de ses habitudes ; que liberté, assez instruite pour l’affermir, assez puissante pour la défendre, assez généreuse pour la partager : et tant de conditions pourront-elles jamais se rassembler ? Et lorsqu’en ses combinaisons infinies, le sort produi rait enfin celle-là, en verrai-je les jours fortunés ? et ma cendre ne sera-t-elle pas dès long-temps refroi die? » A ces mots, ma poitrine oppressée se refusa à la pa role Le Génie ne me répondit point ; mais j’entendis qu’il disait à voix basse : « Soutenons l’espoir de cet homme ; car si celui qui aime ses semblables se décou rage , que deviendront les nations ? Et peut-être le passé n’est-il que trop propre à flétrir le courage ? Eh bien ! an ticipons le temps à venir; dévoilons à la vertu le siècle étonnant près de naître , afin qu’à la vue du but qu’elle désire, ranimée d’une nouvelle ardeur, elle redouble l’effort qui doit l’y porter. » 9-