l’emporta sur toutes les bonnes raisons qu’ils purent me donner. Je suivis donc la caravane de mon mieux, me tenant à cheval aussi longtemps que j’en avais la force ; et j’allai ensuite me coucher dans un chariot, sur des caisses où j’étais ballotté comme un malheureux ; car souvent il nous fallait traverser des ravins profonds et à pic, qui me mettaient dans les positions les plus singulières : tantôt j’avais les pieds en l’air; tantôt je me trouvais caché comme un voleur entre les ballots et les caisses, froid comme un glaçon , ou couvert de sueur et brûlant comme un brasier. Ajoutez que pendant trois jours ( et c’était le plus fort de ma fièvre) je n’eus pour me désaltérer que des eaux stagnantes et sales. Le 18 mai, après avoir traversé une belle plaine de 30 milles de large, nous arrivâmes sur les bords de la Nebraska (rivière au Cerf), désignée par les Français sous le nom moins heureux de Plate ou de Rivière-Plate. La Plate est la plus grande tributaire du Missouri, et peut être considérée comme'la plus merveilleuse et la plus inutile des rivières de l’Amérique du Nord; car elle a deux mille verges de large d’un bord à l’autre, et sa profondeur n’est guère que de deux à six pieds ; le fond est un sable mouvant. Elle vient d’une distance immense à travers une large et verte vallée, et reçoit la grande abondance de ses eaux de plusieurs fourches qui descendent des Montagnes Rocheuses. L’embouchure de cette rivière est à huit cents milles de Saint-Louis par eau, et forme le point de division du bas et du haut Missouri. J’étais souvent saisi d’admiration à la vue des scènes pittoresques dont nous jouissions tout le long de la Plate. Imaginez-vous de grands étangs, dans les beaux parcs des seigneurs européens, parse més de petites lies boisées; la Plate vous en offre par milliers et de toutes les formes. J’ai vu de ces groupes d’îles qu’on aurait pris facilement de loin pour des tlot- tlles mêlant à leurs voiles déployées des guirlandes de