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DU RIO DE S. FRANCISCO. 77 Pendant le jour on ne rencontre que des hommes dans les rues de Gôyaz; mais, aussitôt que la nuit vient, des femmes de toutes les couleurs sortent de leurs maisons et se répandent dans la ville. Elles se promènent ordinaire ment plusieurs ensemble, très-rarement avec des hommes. Tout leur corps est enveloppé dans de longues capotes de laine; leur tête est couverte d’un mouchoir ou d’un cha peau de feutre : ici encore, elles vont à la suite les unes des autres; elles se traînent plutôt qu’elles ne marchent, ne remuent ni la tête, ni les bras, et semblent des ombres qui se glissent dans le silence de la nuit. Les unes sortent pour leurs affaires, d’autres pour rendre des visites, le plus grand nombre va à la recherche des bonnes fortunes. L’œil noir et brillant des femmes de Goyaz trahit les pas sions qui les dominent; mais leurs traits n’ont aucune dé licatesse, leurs mouvements n’ont aucune grâce, leur voix « cienne méthode. Des particuliers ont voulu donner gratuitement des « leçons de géométrie, d’arithmétique, de français et de musique ; mais « ils ont eu peu d’élèves. » Par ce passage, tiré d’un écrit qui a un ca ractère à peu près officiel, on peut juger de l’état de l’instruction dans les parties reculées de la province. Gardner dit d’un des villages du nord où il passa en 1840, que l’école n’était nullement suivie et qu’on était privé de livres. Je me rappelle, à ce sujet, que, me trouvant, en 1818, dans la province de Minas Gcraes, je passai plusieurs jours chez un très-bon homme, qui tenait tout à la fois une venda et une école. Cet homme ne quittait guère son comptoir; mais, comme la petite pièce où étaient les enfants restait ouverte, il pouvait les entendre et voir ce qu’ils faisaient. Ceux-ci n’avaient aucun livre ; ils s’exerçaient sur une feuille de papier, éternellement la même, où l’on avait écrit à la main les tristes doléances d’un pauvre prisonnier. Ils passaient leur vie à lire et à relire tout haut la lettre du captif, ou, pour mieux dire, ils devaient la réciter; car, après tant d’années, je n’en ai point encore oublié la dernière phrase : Nunca verei mais o arraial de S. Barlholomeu ( je ne verrai plus ja mais le village de S. Barthélemy ) !