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120 VOYAGE AUX SOURCES DU NIL. repoussait les étoffes ordinaires que Baraka lui offrait l’une après l’autre, avec une impétuosité bien faite pour déconcerter mon ambassadeur. Lejeune chef voulait un diouli *, rien qu’un diouli, déclarant qu’il n’accepterait pas autre chose. J’en avais trois, soigneusement cachés au fond de mes caisses, et que j’avais achetés de Mousa, sur le pied de quarante dollars chacun ; mais réservés pour les rois du Karagoué et de l’Ouganda, il ne pouvait me convenir de les livrer ainsi à la rapacité d’un chef subalterne. Je protestai donc que toutes mes étoffes de prix m’avaient été enlevées pendant la traversée du désert. Le débat continua ainsi plusieurs heures, au bout desquelles Baraka laissa maladroite ment percer que peut-être, en cherchant bien, trouverait-il un diouli parmi ses propres étoffes. Il vint me dire, en effet, qu’il en avait acheté un, sur la côte, au prix de huit dollars. Son aveu rendait toute résistance inutile, et le diouli fut acquis à Ma- kaka. Mais à peine en était-il possesseur, qu’il se hâta d’en réclamer un second. « Un homme blanc, disait-il, ne pouvait manquer d’étoffes précieuses, et il était habitué aux mensonges des Arabes qui tous se disaient pauvres diables, qui tous s’em pressaient de crier misère, nonobstant leurs immenses profits. » Ce soir-là je ne voulus rien céder de plus; mais le lendemain, après d’interminables discussions, Baraka compléta le présent d’amitié en se laissant arracher d’abord un dabouani, puis un sahari, puis un barsati, puis un kisoutou, et enfin huit mètres de merkani;le tout disputé pied à pied avec une insistance écœu rante. Après quoi Makaka, devenu plus traitable, voulut bien nous dire que si le diouli lui avait été remis plus spontanément, nous en aurions été quittes à meilleur marché. « Car au fond, ajouta-t-il, je ne suis pas un méchant homme, ainsi que vous pourrez vous en assurer. » Le « Pourceau, » de son côté, me voyant inquiet de la rude atteinte portée à ma bourse, affectait de tourner la chose en plaisanterie. « Soyez tranquille, me disait-il, tous les sauvages se ressemblent, et vous aurez mêmes taxes à payer pour chaque 1. Le diouli, étoffe de Surate, loungi des Indous, galonné d’or et avec franges de Zanzibar est à fond vert, jaune ou rouge, historié de diverses rayures et très-estimé pour écharpes. Le moins cher vaut 7 dollars les 3 mètres et demi, sans compter la frange qui est de 2 dollars. Relevée de fils d’or mêlés à la trame, l’écharpe (war) de qualité supérieure ne vaut pas moins de 80 dollars.